Des rigidités structurelles persistantesChronique de
Abdelmadjid Bouzidiin
Le Soir d'Algérie 20.08.2008
La situation financière de l’Algérie est bonne. L’année 2007 s’est clôturée sur des chiffres tout à fait satisfaisants : les réserves de change sont de 110,18 milliards de dollars (77,781 milliards de dollars en 2006) ; la dette extérieure à moyen et long terme à fin 2007 est de 4,889 milliards de dollars, soit 3,6% du PIB. Le service de la dette (par rapport aux exportations) n’est que de 2%.
La balance des paiements est excédentaire et présente un solde global positif de 29,09 milliards de dollars ; le fonds de régulation des recettes, cette cagnotte où sont engrangés les excédents des recettes d’exportation d’hydrocarbures, est de 4,537 milliards de dinars, soit quelque 63 milliards de dollars ; la dette publique interne est en diminution constante. Cette situation financière externe et interne favorable est due, on le sait, à un marché pétrolier mondial favorable. Les recettes d’exportations des hydrocarbures ont été en 2007 de 59 milliards de dollars (contre 54 milliards de dollars en 2006) (soit 11,5%). Cette amélioration s’explique plus par un effet prix que par un effet quantité puisque, en 2007, les exportations d’hydrocarbures en volume ont baissé de -0,72% (-3,3% pour les hydrocarbures gazeux et 0,3% pour les hydrocarbures liquides). Le prix moyen du baril en 2007 a été de 74,77 dollars. Les associés de Sonatrach ont enregistré des recettes de 3,9 milliards de dollars contre 5,29 milliards de dollars en 2006. Cette baisse s’explique par les nouveaux mécanismes de taxe sur les profits exceptionnels instaurés en juillet 2006. Comme on peut le constater, les équilibres financiers internes et externes de l’économie algérienne reposent encore et toujours sur une seule ressource : les hydrocarbures. Il devient même lassant de le répéter !
PIB | 102,8 | 116,5 | 134,46 |
PIB/hbt (en dollars) | 3,128 | 3,487 | 3,956 |
La croissance économique Le PIB et le PIB par habitant ont évolué de la manière suivante ces trois dernières années :
(En milliards de dollars)Le taux de croissance du PIB (réel) On peut voir ici combien la croissance économique est atone. Les chiffres décevants de 2006 et de 2007 s’expliquent en partie par la baisse des activités du secteur des hydrocarbures de - 2,5% en 2006 et de - 0,7% en 2007. Et on connaît le poids des hydrocarbures dans le PIB : 47% en 2007 !
Industrie | 2,5 | 2,8 | 1,1 |
Hydrocarbures | 5,8 | -2,5 | -0,7 |
BTP | 7,1 | 11,5 | 9,5 |
Services | 6 | 6,5 | 6,9 |
Ensemble | 5,29 | 1,86 | 2,67 |
*
Les valeurs ajoutées des secteurs ont été les suivantes ces trois dernières années :
Seuls les BTP et les services tirent leur épingle du jeu. Et pour cause : programme d’équipement public colossal et programme d’importations sans précédent. Comme on peut le constater, la croissance économique est toujours bien molle : un effort abyssal d’investissements publics, des améliorations de salaires, une très forte augmentation des dépenses publiques pour des taux de croissance bien faibles. La relance keynésienne a fait bouger l’économie mais pas suffisamment. A l’évidence, le problème de la performance médiocre de l’économie algérienne est toujours là et la relance par la demande a besoin d’être relayée par une politique de l’offre qui doit agir plus sur les structures de l’économie. Il faut noter aussi, sur ce même chapitre, que les ressources globales de l’économie ont augmenté, en 2007, à un taux de 3,9% dont 2,6% dus à la croissance du PIB et 1,3% aux importations. La demande domestique en expansion est satisfaite par les importations alors que les capacités de production locales sont largement sous-utilisées. Il faut d’ailleurs souligner aussi que les importations ont encore augmenté en 2007 pour atteindre 27 milliards de dollars (contre 20,031 milliards de dollars en 2006).
Ce recours facile aux importations rappelle la nature rentière de l’économie algérienne. Pour les neuf premiers mois de 2007, la facture alimentaire a été de 3,4 milliards de dollars. Les principales importations pour les neuf premiers mois 2007 sont les suivantes :
En milliards de dollarsMédicament | 1 |
Céréales | 1,4 |
Produits laitiers | 0,797 |
Sucre | 0,343 |
Cafés et thés | 0,179 |
Légumes secs | 0,137 |
Viandes | 0,116 |
L'investissement En termes réels, l’investissement en 2007 a crû de 10%. Il est le fait essentiellement de l’Etat, les investisseurs privés tant nationaux qu’étrangers en sont encore aux intentions d’investissement et le climat des affaires est toujours aussi décourageant.
L’inflation L’explosion des dépenses publiques et notamment celles consacrées aux investissements publics d’équipement et malgré la politique monétaire prudente de la Banque d’Algérie ont alimenté un processus inflationniste amplifié par une inflation importée (hausse des prix, notamment des produits alimentaires sur le marché mondial).
Taux d’inflation2005 | 2006 | 2007 | 2008(prévisions) |
1,7 | 4,4 | 4,6 | 5,5 |
Si on devait résumer, en quelques observations, la situation de l’économie algérienne en ce deuxième semestre 2008, on peut relever que :
1) Le rétablissement de l’équilibre des comptes publics a été réalisé.
2) La solvabilité extérieure est largement reconstituée.
3) La soutenabilité de l’équilibre budgétaire est assurée sur le moyen terme.
La conjoncture économique est donc bonne. Mais quatre grands dossiers touchant aux politiques structurelles sont encore en attente d’être pris en charge :
1) Une politique de l’offre en direction des entreprises.
2) Une stratégie de relance industrielle.
3) Un programme de construction d’une économie de services.
4) Une nouvelle politique agricole fondée sur l’objectif de sécurité alimentaire.