Par Jean Etienne,
Futura-SciencesComment se sont formés les filaments de gaz qui s’échappent de la
galaxie NGC 1275, et surtout comment résistent-ils au temps depuis plus de 100 millions d’années sans se disperser ou s’effondrer ?
Hubble vient de répondre à cette énigme.
A 230 millions d’années-lumière de la
Terre, la galaxie active NGC 1275 abrite en son centre un
trou noir supermassif autour duquel tournent des gaz chauds. Ceux-ci, sans cesse écartelés par les immenses champs gravitationnels qu’ils subissent en permanence, forment des bulles de matière incandescente qui sont spectaculairement projetées dans l’espace comme autant de filaments.
Ces très longs filaments parviennent à vaincre la force d’attraction de la galaxie mère et à s’immiscer au sein même de l’amas galactique Perseus A jusqu’à une distance de 200.000 années-lumière tout en conservant une température de plusieurs millions de degrés et en émettant de grandes quantités de rayonnement X.
Ces gigantesques tentacules sont aussi la seule manifestation visible des interactions qui existent entre le trou noir supermassif de NGC 1275 et les gaz environnants qui emplissent l’amas. Leur observation fournit aux astronomes des indices importants sur la façon dont ces trous noirs sont susceptibles de modifier leur environnement, même distant.
Des structures vaporeuses étonnamment résistantes Jusqu’ici, les astronomes ne parvenaient pas à comprendre comment ces délicates dentelles de gaz ont pu résister à l’environnement particulièrement agressif de
l’amas de galaxie au sein duquel ils s’infiltraient, et cela depuis plus de 100 millions d’années. La logique aurait voulu que ces structures, dont la masse moyenne est d’environ un million de masses solaires, se soient dispersées sous l’action des forces de gravitation s’exerçant en tous sens, ou même se soient effondrées sur elles-mêmes jusqu’à former à leur tour de nouvelles
étoiles.
La réponse vient d’être apportée par le
télescope Hubble, qui a réussi à résoudre les fils individuels composant les filaments et à les assimiler à de puissants champs magnétiques entourant NGC 1275. Selon les chercheurs, il s’agit là de l’exemple le plus frappant de l’influence des immenses champs magnétiques tentaculaires extragalactiques.
Andrew C. Fabian, chercheur à l’institut d’astronomie de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), publie le résultat de ces investigations dans la revue
Nature du 21 août 2008. Il estime que ces champs jouent un rôle crucial dans la survie et l’intégrité des filaments en formant une structure squelettique et immatérielle suffisante pour les maintenir en place en leur permettant de résister à l’effondrement gravitationnel.
Des réseaux de filaments similaires ont été découverts autour d’autres amas galaxies plus éloignés, mais n’ont pu être résolus avec une netteté comparable à celle de NGC 1275. Les acquis permis par celle-ci seront mis à profit pour interpréter les observations de ces autres complexes tentaculaires.
La galaxie NGC 1275 entourée de ses immenses bras tentaculaires. Crédit Nasa/Hubble