Alger : 1er Festival international de la Bande dessinée

La ville blanche va enfin faire ses bulles. Le coup d'envoi du premier Festival international de la bande dessinée (FIBDA) a été donné par les plus hautes autorités du pays. En 1986, un premier festival de la bande dessinée et de la caricature s'était déjà tenu à Bordj El-Kiffan. Mais ce dernier, bien modeste, n'avait réuni que quelques spécialistes comme Jean-Pierre Gourmelen et Claude Moliterni, côté français, et du côté algérien, une dizaine de jeunes auteurs (Benattou Masmoudi, Redouane Assari, Abdelhalim Riad, Mohamed Bouslah, Nadjib Berber, Mehdi Haba, etc.). Il y a eu également, en mai 2003, la célébration des quarante années d'existence de la BD algérienne, avec une exposition rassemblant des planches collectées en Algérie et en France d'auteurs vivants ou disparus. Mais c'était à Bagnolet (en France) ! Jamais, depuis l'indépendance, la BD, un art pourtant à part entière, n'a fait l'objet d une véritable considération dans notre pays.

Grâce au haut patronage du Président de la République, au parrainage de Mme la Ministre de la Culture et à la contribution de nombreux organismes, le rêve est devenu réalité. Jusqu'au 19 octobre, amoureux de la BD, bédéistes de tous bords, dessinateurs, scénaristes de talent et de renommée mondiale, 98 participants au total, issus de 27 pays, vont concourir avec des oeuvres originales et inédites. De très nombreuse récompenses, sous forme de trophées et en numéraires, seront décernées aux lauréats par deux jurys, le premier international composé de 11 professionnels et présidé par l'auteur de la bande dessinée belge, M. Etienne Shreder, et le second national, composé de 9 spécialistes du domaine, avec à sa tête M. Aram Mohamed (bédéiste et cinéaste d'animation à qui vient d'être attribué le Prix Sid Ali Melouah).

A voir le branle-bas de combat depuis plusieurs mois déjà et à constater le dynamisme des différentes équipes engagées dans l'aventure, on peut, sans risque d'erreur, dire que ce rendez-vous artistique autour de la bande dessinée fera date dans l'histoire de la bande dessinée dans notre pays.

Dès le mois de mai, trois concours promotionnels de la BD ont été lancés à l'intention des bédéistes, qui pouvaient concourir avec une oeuvre originale et inédite. Le premier, relatif à la sélection de la meilleure affiche du festival, le second en direction des amoureux des bulles (19 à 35 ans), le troisième enfin destiné aux 12-18 ans, pour susciter l'expression artistique et peut-être des talents nouveaux.

Ont remporté les trophées, pour le premier volet, un jeune talent de Sétif pour l'affiche, pour le second volet, Djamel Bouchenaf, Nadia Kaci, Ahmed Boukhedami et Salim Zerdani, et enfin Abdioune Takfarina, Rachida Bouras et Kahloula Mohamed côté jeunesse. Plusieurs prix d'encouragement ont également été attribués. Les meilleures oeuvres retenues seront récompensées par la Bulle d'Or, la Bulle d'Argent et la Bulle de Bronze. D'autres prix seront attribués sous forme de «Mention Spéciale» pour le meilleur scénario, le meilleur graphisme, etc. En cas de qualité exceptionnelle d'une oeuvre, est prévu un Prix spécial du jury. La remise solennelle de toutes ces distinctions se fera le 19 octobre 2008.

Un grand « hourra ! » donc pour les bulles et pour les Mangas, les Lucky Luck, les Kiwis, les Blak le Roc, les Iznogouds et les Chtrounfs, qui, durant des années, nous ont entraînés dans leurs univers fantastiques, fantaisistes et humoristiques. Le but avoué de cette méga-manifestation n'est pas un secret. Les organisateurs veulent attirer l'attention des pouvoirs publics sur cet art séquentiel qui peut revêtir des aspects multiples : ludique, humoristique, mais aussi éducatif et pédagogique.

La BD peut, par ailleurs, être d'une très grande utilité en tant qu'excellent moyen d'expression et vecteur de communication. Sous l'impulsion d'un petit staff composé de réalisateurs, d'écrivains, de plasticiens de renom (tels Abderrahamne Djelfaoui, Mustapha Nedjaï, Djilali Beskri...) et piloté par la dynamique Dalila Nadjem, éditrice à Dalimen, qui assume avec courage la lourde charge de commissaire de ce festival, la BD a de grandes chances d'être revivifiée.

Premières missions inscrites au programme : rendre hommage aux raconteurs d'histoires et, pour ce faire, sortir la BD algérienne de l'ornière dans laquelle on l'a enfoncée, réveiller les talents assoupis, susciter des vocations, relancer la formation au niveau des Ecoles d'art et, enfin, sortir la bédé de l'atroce léthargie qui l'a quasiment presque effacée des mémoires, après un itinéraire des plus respectables.

Outre la présentation de 350 titres BD, plusieurs activités sont inscrites au programme. Entre autres, une dizaine d'expositions, un colloque international avec pour thème « Imaginaire entre héritage et avenir », des conférences, des ateliers de sensibilisation, des projections de films et autres manifestations interactives, l'ensemble réparti sur plusieurs sites culturels : Bibliothèque nationale d'Algérie, Beaux-arts, Musée national d'art moderne et contemporain, salle Frantz Fanon à Riadh El-Feth, Bastion 23, Ecole nationale supérieure des Beaux-arts, Cercle Frantz Fanon, Palais de la culture.

L'invitée d'honneur placée cette année sur un piédestal est l'Inde, pays où l'art de raconter des histoires en images est une tradition très ancienne. En plus de la BD indienne, l'assistance découvrira la BD arabe (avec un hommage particulier au dessinateur palestinien Nadji El-Ali, assassiné à Londres en 1987), la BD franco-belge, la BD africaine, la BD d'Amérique latine, la BD suisse, etc.

La participation des dessinateurs et scénaristes de talent et de renommée mondiale, issus de pays très prolifiques en la matière, constitue un gage d'encouragement manifeste pour le réveil du 9ème art algérien. La grande exposition qui, après le Japon, vient de débarquer dans notre pays, donnera à cette grande manifestation une aura d'envergure exceptionnelle.

Indémodable, universelle, accessible à tout un chacun, la bande dessinée a le pouvoir de permettre l'accès à toutes les thématiques et à toutes les informations relatives aux soubresauts de notre planète. En réunissant les plus larges courants professionnels de la BD des quatre coins de la planète et les professionnels nationaux, le FIBDA offre d'excellentes opportunités aux auteurs algériens de BD, trop discrets dans un pays où les maisons d'édition s'illustrent par leur faible intérêt pour la bande dessinée. Le défi passionnant vient d'être lancé. Aux artistes créatifs, aux professionnels et jeunes auteurs intéressés par les arts graphiques et cinétiques, de le relever. Le creuset existe désormais, reste le déclic salvateur.