Il y a
quatre milliards d’années, un vaste réseau de rivières parcourait le sol martien, alimentant d’anciens cratères de météorites et formant ainsi de nombreux lacs. C'est ce que vient de démontrer une équipe de scientifiques après l'analyse des images récoltées par trois missions différentes.
Une équipe de recherches internationale conduite par
Ernst Hauber du
German Aerospace Center (DLR), a entrepris l’analyse des dernières images de la surface de la Planète rouge transmises par trois missions différentes, afin d’en réaliser la synthèse. Ces données proviennent de l’instrument HRSC (German High-Resolution Stereo Camera) installé à bord de la sonde européenne
Mars Express, du système d’imagerie MOC (Mars Orbiter Camera) de la sonde américaine
Mars Global Surveyor et de l’instrument HiRise équipant la sonde de la
Nasa MRO (Mars Reconnaissance Orbiter).
Leurs résultats et conclusions seront publiés dans les jours prochains dans le magazine scientifique Planetary and Space Science.
Une hypothèse devenue quasi-certitude Déjà, les scientifiques suspectaient certaines vallées sinueuses d’avoir charrié d’énormes quantités d’eau dans le passé. Mais la mise en évidence, et surtout la disposition des alluvions le long de ces parcours viennent confirmer l’hypothèse, qui ne fait pratiquement plus aucun doute dans l’esprit des chercheurs.
Le sens d’écoulement des fleuves se faisait bien de la partie la plus élevée vers la plus basse ainsi que le démontrent les dépôts. Cela semble évident mais cette constatation est capitale afin d’éliminer d’autres hypothèses qui pourraient expliquer la formation de ces dispositifs de surface, par tectonique notamment. Les fleuves transportaient les matériaux érodés vers l’aval, et lorsque leur débit se réduisait en ne fournissant plus assez d’énergie pour les maintenir en suspension, les déposaient sous forme d’alluvions.
Cela se produisait notamment lorsque la rivière traversait un large bassin, tel un cratère ou une vaste dépression et où le débit chute presque à zéro. Dans ce cas, de vastes dépôts d’alluvions s’accumulaient, qui sont toujours visibles aujourd’hui.
Différents cas peuvent se produire. Si le bassin est rempli d’eau en permanence, les rivières forment des deltas à leur embouchure, où des dépôts sédimentaires sont observés. Mais s’il est la plupart du temps à sec, comme dans les zones désertiques, l’eau s’y engouffre à travers le rempart s’il s’agit d’un cratère, et s’infiltre en sous-sol. L’étude de ces caractéristiques permet ainsi de déterminer s’il y avait ou non des lacs sur
Mars, et où.
Les chercheurs peuvent aussi déterminer l’époque à laquelle cette eau a coulé en surface. Pour cela, ils analysent la distribution statistique des cratères d’impact de différentes tailles. Plus il y a de cratères, et plus le terrain est ancien. Leur examen en tenant compte de leur âge et des traces d’érosion par l’eau a permis d’établir que
les rivières ont coulé voici 3,8 à 4 milliards d’années.
La formation des vallées pourrait avoir été assez rapide.
Maarten Kleinhans de
l’université d’Utrecht (Pays-Bas), co-auteur de l’étude, estime que selon le volume d’eau, les dépôts d’alluvions pourraient s’être formés en une période comprise entre quelques décennies et quelques millénaires, et que même si le débit avait été faible, les deltas observés n’auraient pas mis plus de 100.000 ans pour présenter leur aspect actuel. Par rapport à d’autres calendriers géologiques, particulièrement en géologie planétaire, il s’agit d’une très courte durée.
Il a plu très tôt sur
Mars Ainsi, les précipitations se sont produites très tôt dans l’histoire martienne. Les eaux ont abondamment circulé en surface, et il s’agit d’une des conclusions les plus importantes du rapport : « ce n’était réellement pas évident à démontrer : pendant longtemps, les scientifiques avaient essayé de déterminer si les vallées martiennes avaient été constituées par infiltration d'eaux souterraines et érosion puis effondrement du sous-sol, ou par des eaux de surface provenant des précipitations ou de la fonte des glaces, explique Ernst Hauber. Nos résultats se dirigent actuellement dans les deux directions et nous sommes convaincus que les deux processus ont joué un rôle majeur, notamment dans Xanthe Terra, une des zones les plus caractéristiques ».
Cependant, cette situation n’a pas duré très longtemps. Les précipitations se sont progressivement réduites voici 3,5 à 3,8 milliards d’années et les sources se sont taries, provoquant l’assèchement des vallées et de la surface de la planète. En l’absence presque totale d’érosion, les dépôts se sont conservés jusqu’à nos jours. Aujourd’hui,
Mars est une planète sèche et désertique, et l’eau ne traverse plus ses vallées...