Dans plusieurs villes du pays, les drapeaux turcs et les slogans nationalistes ont accompagné, dimanche, les cercueils des quinze soldats, tombés la veille dans une attaque du PKK près de la frontière irakienne. Suivies par plusieurs milliers de personnes et retransmises en direct par les chaînes de télévision, les funérailles des "martyrs" ont de nouveau entraîné une vague d'émotion et d'appels à la vengeance.
Le cycle des violences entre l'armée turque et la guérilla kurde est relancé. L'offensive des rebelles du PKK, 350 hommes d'après la presse turque, a été rondement menée, samedi 6 octobre au matin, depuis les montagnes du Nord de l'Irak : des tirs d'artillerie lourde avaient préparé le terrain, selon l'état-major d'Ankara, surprenant la plupart des victimes.
Deux sous-officiers manquant à l'appel pourraient eux aussi avoir été tués dans l'attaque, ainsi que 23 "terroristes". C'est la cinquième fois depuis 1992 que la caserne d'Aktütün, dans la province d'Hakkari, est prise pour cible.
L'aviation turque a riposté en bombardant des positions présumées du PKK, dans les montagnes du Kurdistan irakien où seraient retranchés les chefs du groupuscule marxiste-léniniste, en lutte contre la Turquie depuis 1984. Et la hiérarchie militaire a stigmatisé l'inaction des autorités kurdes d'Irak : "Ils fournissent (aux rebelles) un accès aux infrastructures telles que les routes ou les hôpitaux", a dénoncé le général Hasan Igsiz.
L'éditorialiste du quotidien turc Milliyet, Fikret Bila, proche du haut commandement, met également en cause le renseignement américain, qui aurait fait défaut. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, qui assistait aux obsèques d'un soldat près d'Ankara, a réclamé, dimanche, une action immédiate contre les caches du PKK.
EXPÉDITIONS PUNITIVES
Cette offensive survient à un moment crucial : le Parlement turc doit renouveler, cette semaine, l'autorisation donnée à l'armée de mener des opérations terrestres et aériennes au-delà de la frontière turco-irakienne. Le feu vert avait été donné pour un an, en octobre 2007, après une embuscade du PKK qui avait coûté la vie à 13 soldats, dans la même région. Ce nouvel épisode pourrait inciter les dirigeants turcs à faire preuve de la plus grande fermeté. "Nous poursuivrons la lutte, quel qu'en soit le prix", a déclaré le président Abdullah Gül.
La montée des revendications nationalistes risque d'alourdir un climat déjà marqué par des tensions ethniques. Mercredi 1er octobre, un juge de Bolu, dans le centre du pays, a relaxé un journaliste local qui avait écrit : "Pour chaque soldat martyr, il faudrait tuer cinq membres du DTP (le parti kurde légal)", estimant que cette phrase relevait de la "liberté d'expression". Et la semaine dernière, plusieurs milliers de Loups gris, des militants ultranationalistes, ont mené des expéditions punitives contre la population kurde d'Altinova, une petite ville de l'Ouest de la Turquie, saccageant commerces et maisons aux cris de "Altinova nous appartient".
Guillaume Perrier